Volume 1, no.3, PRINTEMPS 2007

Collectifs nationaux

Haïti: De catastrophe en catastrophe, doit-on craindre le pire ?

 

A U T E U R

Arioste Beauvin

Secrétaire Exécutif
Parti Vert Haïtien (PVH)
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Des spécialistes fixent à 15 ans l’échéance pour la désertification totale d’Haïti, selon un représentant de CARE-Haïti. M. Robenson Moïse a en effet présenté la destruction systématique des ressources ligneuses d’Haïti comme la chronique d’une mort annoncée de l’écosystème du pays. « En 1956, 20% de la superficie d’Haïti était couverte en arbres… Aujourd’hui seulement 1.44% de notre superficie est encore constituée d’espaces verts. »

Le temps n’est pas à la partisannerie ni aux redondances mais plutôt à la réflexion, à l’examen de soi pour sauver un pays. Lorsqu’une nappe de tristesse, telle une malédiction, semble s’abattre sur une communauté et toute une région, même les cœurs les plus endurcis ne peuvent s’empêcher de ressentir les effets des lamentations qui l’accompagnent. Point besoin de rappeler les Gonaïves, Mapou, Fonds-Verettes, et d’autres localités qui chaque jour encore connaissent les déboires de nos négligences.

Ce n’est pourtant pas le moment de baisser les bras et de dire que l’on ne peut rien contre le destin ! C’est plutôt l’occasion de se remettre en question et de réfléchir aux moyens, possible d’empêcher la chute inexorable d’une nation entière vers un dessert écologique, énergétique, et alimentaire. Le dicton qui veut que « tout ce qui n’avance recule’’ s’applique fort bien au cas particulier d’Haïti qui, depuis trop longtemps, se contente d’avancer uniquement dans la course vers l’abîme avec la complicité évidente de ses citoyens.

Les aspects les plus hideux de ce monde doivent être regardés avec perspicacité pour arriver à distinguer dans l’obscurité la plus totale la petite lueur qui existe toujours et qui dirigera nos pas vers la lumière. Il faut apprendre à regarder en face les situations les plus difficiles et juger les problèmes pour en chercher les solutions. Il est possible de s’obstiner à ne vouloir se plonger que dans les expériences positives qui peuvent donner le coup de fouet revigorant dans la marche vers le progrès et un avenir meilleur.

L’environnement physique, social, économique, judiciaire, politique et institutionnel en Haïti a été généralement caractérisé par une exploitation et un autoritarisme systématique et omniprésent de certains groupes sociaux au détriment de la majorité.

La situation environnementale est très préoccupante en Haïti. D’autant plus que la dégradation atteint toutes les régions du pays et qu’elle ne fait qu’accélérer. Le bilan écologique négatif du pays fait ressortir un certain niveau de surexploitation des ressources naturelles, sans souci de leur protection et de leur renouvellement. Résultant de la non-réglementation des cultures, l’archaïsme des méthodes de production (et l’utilisation impropre de certaines terres montagneuses à des fins agricoles) facilitent l’érosion et la perte quotidienne de volumes considérables de terre arable. Les ressources forestières et minières sont mal exploitées et continuellement sur-utilisées, dévorant goulûment le capital national. Plus de 2/3 des bassins hydrographiques du territoire sont sans protection végétale et les réserves d’eau sont de plus en plus mises à contribution pour répondre aux besoins de la population. L’urbanisation accélérée et la transformation des villes en bidonville créent une situation dramatique d’insalubrité.

D’une manière générale, on relève une déficience en termes de cadre légal et institutionnel. Or, si on est effectivement conscient, les paroles et les lois qui en découlent devraient être suivies d’acte concret. Sur un fond de pauvreté, l’utilisation irrationnelle de l’espace national, l’archaïsme de nos modes de production et de consommation, la fragilité constatée du pays face aux facteurs naturels et le comportement irresponsable de l’ensemble de la population haïtienne contribuent à créer un tableau plutôt sombre de la situation écologie et de la politique écologique haïtienne.

La nature a doté Haïti d’une riche diversité biologique, de ressources minières et de sites naturels exceptionnels. Toutefois rappelons que le pays repose sur un complexe géologique de formation volcanique et sédimentaire. Il est vulnérable aux cyclones, aux ouragans, aux tremblements de terre. Déjà fragile, il doit aussi faire face à de nombreux problèmes de développements. Des activités humaines routinières et lourdes de conséquences (déboisement, érosion, bidonvilisation, pollution…) constituent de véritables gestes prédateurs sur notre environnement.

La gravité de la situation exige une vision collective et responsable de la gestion de l’environnement qu’il convient d’intégrer au cœur même des logiques de l’écologie, de la politique, de l’économie en vue de changements sociaux très concrets.

Dans la foi, dans les convictions et dans le sens de la citoyenneté, tout haïtien peut trouver le courage de poser la prochaine pierre de reconstruction et se convaincre qu’il est vraiment le maillon d’une chaîne, l’élément vital de la pierre angulaire.

Il faut adopter une approche corrective globale qui allie la préoccupation environnementale à la lutte contre la pauvreté pour un développement durable et économique concret. Chacun doit être convaincu que le coût de la dégradation de l’écologie politique justifie une action immédiate. Et il faut agir vite.

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