Yaoundé*: Une ville au parfum d'urine

Par Christian Komze
Jeunesse pour l'environnement
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Cameroun

Les camerounais aiment la nature et ils ont leurs manières à eux de le prouver. Plusieurs de leurs activités se déroulent en plein air. Allez placer un vendeur derrière un comptoir dans un marché de la capitale, il le quittera très vite pour aller s'installer en bordure de route. De nombreux employés préfèrent de loin traiter un dossier dans un bistrot ou un "tourne-dos", que de le faire dans un bureau. Quant aux toilettes publiques, elles servent plutôt à embellir la ville qu'à aider les yaoundéens (habitants de Yaoundé, capitale du Cameroun) désirant se soulager de besoins naturels. Lorsque l'on demande à Martin O. pourquoi il préfère uriner dans la rue plutôt qu'à l'intérieur des toilettes publiques, il répond: "Vous me faîtes rire! Vous me voyez payer pour pisser dans mon propre pays?"

Les yaoundéens préfèrent uriner en plein air. Avant, ce comportement était l'apanage des hommes. Seulement, depuis la conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes de Beijing en 1995, celles-ci ont tant crié à l'égalité des sexes qu'elles ont décidé d'imiter les hommes sans aucune pudeur. Les femmes désormais font concurrence aux hommes et si ces derniers ne se ressaisissent pas, elles vont leur ravir le leadership d' "urineur-public numéro 1".

Le phénomène, loin de choquer les citoyens, semble plutôt se dérouler dans une indifférence totale et une certaine approbation. Patrice S. affirme comprendre les "urineurs- publics": "Je ne peux pas condamner ce que j'ai souvent fait. Lorsque quelqu'un se trouve loin de son domicile, quelqu’un lui accordera difficilement l’accès à ses toilettes". Voilà comment on devient "urineur-public"". Bien qu'aucune loi n'autorise les populations d'uriner dans la rue, chaque quartier (ainsi que le centre-ville) possède un coin reconnu et accepté tacitement par tous pour ce genre d'exercice. Les passants se trouvant dans un besoin pressant n'ont aucune peine à reconnaître ces lieux, d'où on lit parfois un message clair et sans équivoque "Interdit d'uriner ici". L'odeur qui s'y dégage et le parfum qui enveloppe les alentours sont parfois redoutés même des animaux domestiques. Malgré cette menace, l'on remarque toutefois que certains enfants rodent continuellement autour de ces urinoirs publics. Après enquête, leur présence en ces lieux n'est due qu'à leur désir d'approfondir leur connaissance de l'anatomie humaine.

Au fil des jours, le phénomène d'"urineur-public" prend de l'ampleur. Face à l'indifférence des pouvoirs publics et à l'inconscience des citoyens, le nombre de ses adeptes va grandissant. C’est pourquoi des associations de jeunesse faisant dans l’éducation relative à l’environnement, à l’instar de Jeunesse Pour l’Environnement, ont décidé de prendre leur responsabilité en main. Elles sensibilisent les populations sur les problèmes d'insalubrité et les conscientisent pour un changement radical de comportement. Certaines autorités municipales se sont jointes à ces actions, et depuis peu, le fait d'uriner en public est reconnu dans de nombreuses villes comme une véritable infraction et des sanctions pécuniaires sont infligées à tout contrevenant.